Le pauvre sire s'est probablement foutu la patte dans un tas de corde, en fouillant dans les vidanges comme ils le font généralement tous, puis un noeud s'est créé autour de sa patte. En s'envolant, il a donc trainé la corde avec lui, et elle a fini par s'empêtrée dans les branches du premier arbre, puis du second après qu'il ait changé de place.
J'ai tenté de lancer quelques roches pour essayer de déprendre la corde, mais sans résultat et en me laissant peu d'espoir de voir l'infortuné retrouver sa liberté. Je me suis creusé le coco un brin, mais la seule solution envisagée était de lancer une roche sur laquelle une cordé serait attachée, par-dessus la corde maudite et ensuite tirer sur notre corde afin de déprendre l'oiseau.
Mais pas de corde en vue, et mes copains avaient faim. En revenant du lunch, le volatile était toujours suspendu la tête en bas, dans le même pétrin. Il clignait encore des yeux, alors nous le savions vivant, même s'il était surement affaibli. Il ne se débattait plus. Sous lui, une dizaine de curieux concernés se posaient la même question que moi une heure plus tôt.
Cette fois par contre, nous avons essayé plus fort. Certains gars lançaient de grosses branches, touchant parfois la corde. Une fille est allé cherché le numéro de téléphone de UWA (Ugandan Wildlife Authority) que j'ai ensuite appellé dans l'espoir qu'ils aient un service de secours pour animaux en danger. Mais en vain, car aujourd'hui est jour férié en Ouganda, célébrant le 23e anniversaire de l'offensive ayant mené à l'actuel gouvernement Museveni.
J'ai esquissé un plan d'action au cas où l'oiseau se déprendrait et atteindrait le sol, et je l'ai communiqué à tous autour: Il faut piler sur la corde pour éviter que le marabou se sauve avec encore, puis je pourrais m'approcher et couper la corde avec le couteau de l'armée Suisse que Victoria m'a prêté, leplus près possible de la patte. Couteau dans la poche, j'étais prêt.
J'ai aussi tenté de convaincre un conducteur de boda-boda d'aller acheter une corde de 30 mètres, que j'aurais payé, mais il ne voulait pas payer l'essence. Un autre gars me dit que son copain était prêt à grimper dans l'arbre, mais seulement si je lui donnait de l'argent. (!!!) Je lui ai répondu assez vivement que
- C'était beaucoup trop dangereux.
- Je ne tenais vraiment pas à être tenu responsable des blessures d'un homme en l'ayant encouragé à se retrouver dans une position risquée contre mon argent.
- Ils devraient avoir honte de demander de l'argent pour sauver une Créature de Dieu (la plupart des Ougandais sont très très croyants).
Quelques minutes plus tard, j'ignore si c'est l'effet des branches lancées, et/ou du vent dans l'un ou l'autre des arbres, mais on a entendu un crak, puis un son de battement d'ailes, puis ce gros marabou a heurté le sol assez fort à quelques pieds de moi.
J'ai mis mon plan en action moi-même, pilé sur la corde, me suis rapproché doucement sans gestes brusques en sortant mon couteau, et j'ai réussi à couper la corde à 2-3 cm de la patte. Il faut dire que la patte en question, par laquelle il avait été suspendu plus d'une heure, était totalement étendue et droite, et que comme ce sont de gros oiseaux, son gros bec (probablement dangereux en temps normal) se retrouvait assez loin de moi. Mais le pauvre me regardait calmement, comme s'il savait que je voulais l'aider.
Une fois la corde coupée, il a tenté de s'envoler, mais sa patte était incapable de se replier. Il y avait un petit peu de sang par terre, probablement à cause de l'atterissage forcé. Rien de grave mais bon... J'ai attendu un peu, mais il gisait là, en plein milieu de la rue. Tout le monde autour regardaient, tendus... suspense... Mais personne ne s'est approché pour m'aider. Comme s'ils me faisaient tous 100% confiance et que j'étais totalement en contrôle de la situation. Bizarre...
Je suis donc allé cherché 2 longues branches, parmis celles qu'on avait lancées, et me suis approché de nouveau, cette fois en essayant de redresser sa jambe étendue. Je me suis dit que 1 ou 2 heures suspendu par une jambe... peut-être il avait une crampe...
En forcant le mouvement de repli au niveau du genou, sa patte a semblé revenir normale un peu, puis il s'est redressé et s'est envolé ! Il a disparu au loin dans les arbres, sans que je puisse savoir s'il a pu atterir normalement de nouveau. Surement il aura de la difficulté. Peut-être qu'il ne survivra pas, mais au moins, on l'a aidé et on lui a donné espoir.
J'ai failli prendre une photo, lorsque le marabou était suspendu, mais je me sentais coupable de le faire, car je trouvais cela sinistre et lugubre. Probablement parce que je considérais qu'il avait peu de chances de s'en tirer. Je le regrette maintenant, j'aurais pu vous montrer l'état dans lequel le pauvre volatile se trouvait. Enfin... Mais voici tout de même une photo en guise d'exemple, prise à un autre moment.
Cliquez pour agrandir...
Ces oiseaux font à peu près 3 pieds de haut, leur envergure probablement 5 ou 6 pieds.
Le bec, probablement 12 pouces... ouch, ça doit faire mal.
C'est difficile de décrire comment je me sentais. Heureux, certes, mais bizarre aussi. Alors qu'il s'envolait au loin, j'étais le seul à applaudir il m'a semblé. Comme si les autres autour n'étaient que spectateurs impassible devant une série de télé-réalité. Quelque-uns m'ont salué quand je suis parti, tout de suite après, mais sans plus. Pas de félicitations, rien. Vraiment bizarre...
Témoignage très touchant... Moi, je te félicite pour ton empathie et pour le risque que tu as couru. Tu as bien mérité ton... sachet de S _ _ _ _ ST-H _ _ _ _ T ! Bravo !
RépondreEffacerJ'achète un U !
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